Monologues et dialogues

La Pratique

Bon, c’est l’heure de la confesse. Pendant plusieurs années, j’ai été un musicien lâche. Attention : j’ai dit musicien lâche, pas artiste. J’ai beau avoir été un artiste naïf pendant la même période, mais j’ai toujours fait ce que je croyais être le mieux pour mes projets. Côté instrument par contre, c’est autre chose parce que j’ai négligé la pratique en connaissance de cause. J’ai mal agi, j’ai mal agi.

Dans ma vie, j’ai toujours eu des phases, des périodes où je m’intéresse intensément à une chose. Si on veut, on peut dire que ce sont des passions parce que c’est plus fort que moi. Ce sont des vents violents qui me font changer de trajectoire, et j'y plonge à fond. Ces phases-là feront l’objet d’un autre article, mais la première je dois vous en parler, ç’a été la guitare. J’avais pour l’instrument une fascination profonde : comment peut-on partir de dring-dring-buzz-buzz-qui-sonne-la-canne à Stevie Ray Vaughan qui joue Rude Mood/Hideaway à cent milles à l’heure? Si tu n'as jamais entendu ça, vas-y. Ça vaut la peine.

De l’âge de 11 ans à l’âge de 17 ans, cette question me hantait à chaque minute de mon existence. Avec le recul, je n’étais pas aussi bon que je croyais (l’égo adolescent!! Ha! Ha!) mais je pratiquais les mêmes passes constamment dans l’espoir de devenir SRV, Tony D, Derek Trucks, Colin James. Dans ma tête on allait me découvrir et j’allais lancer mon premier album à 19 ans comme Colin James. J’allais faire la première partie de sa tournée de 2013. Finalement, je suis allé le voir cette année-là aux Calabogie Blues Fest. Il ne m’a pas offert d’ouvrir pour lui, en fait je ne lui ai même pas parlé, mais le chum qui était avec moi s’est fait engueuler par une fille trop soûle. Ce fut une très belle soirée.

Mais mon intérêt était déjà rendu ailleurs. J’avais abandonné le projet d’être un guitariste hors-pair pour explorer d’autres aspects de la musique. Je pense que secrètement, j’étais un peu déçu de ne pas être meilleur que ça, et donc j’ai carrément négligé de pratiquer mon instrument entre, genre, 2012 et 2022. Ouais, dix ans. Ça peut être long avant de se réveiller.

Ce que j’ai commencé à faire cette année, c’est d’annexer la pratique à ma période de méditation, qui elle est quand même bien ancrée dans ma routine. Comme quand j’ai commencé à méditer, je me mets un minimum et je me laisse le loisir d’aller plus loin si je suis inspiré. Ça m’empêche de me poser la question : en ai-je fait assez? Si j’ai fait le minimum, je considère que oui.

Le minimum c’est mon réchauffement, qui prend quand même quinze ou vingt minutes, en suivant le métronome. Ensuite j’essaie des passes difficiles, soit de chansons que j’essaie d’apprendre ou des chansons des Soliloques, encore une fois avec le métronome. La seconde que le métronome s’arrête ce n’est plus de la pratique, c’est jouer. C’est ainsi que je vois la chose. Je me laisse aller aussi lentement qu’il le faut pour travailler l’exactitude, exagérer les accents et comprendre chaque division rhythmique. Pour moi, c’est la faiblesse à travailler.

Pour vous donner une idée, quand j’avais l’ambition d’ouvrir pour Colin James, je faisais mon réchauffement passablement bien à 160 bpm (divisé en triolets). Maintenant, je le fais à 120 bpm et je n’ai aucune ambition d’augmenter ma vitesse. Tant et aussi longtemps que je ne réussis pas à être exact à tous les coups, c’est que je ne suis pas prêt à augmenter. Diminuer pour travailler un passage, je me le permets, mais jamais vers le haut.

Cette fois-ci, je pratique pour servir quelque chose. Ce n’est pas pour moi que je le fais, car il se pourrait très bien que je ne le fasse pas. Je le fais pour servir les chansons, pour améliorer ma musicalité en général (c’est comme ça qu’on dit musicianship en français?), et je le fais parce que justement, je n’ai plus ces idées de grandeur qui ont éclairé mon adolescence. Je le fais comme quelqu’un qui s’entraîne: simplement pour se sentir bien.

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